Les tranches de vie de Jordi Riera

Le VP Technologies de Numigi a roulé sa bosse d'Europe en Amérique avant de se poser chez Numigi. Découvrez son parcours, ses réalisations et quelques enseignements glanés au fil de l'expérience.

  par Jordi Riera - 15 octobre 2019

En août 2014, lorsque je suis arrivé à Montréal, cela faisait huit ans que je faisais du film d’animation et des effets spéciaux (Visual FX). Mes amis me demandaient: « Tu travailles chez Ubisoft? » et je répondais que non. Alors, ils me disaient: « Voyons, tu es français, tu viens d’arriver à Montréal, tu fais de l’informatique — donc, tu travailles forcément pour Ubisoft! » et c’est vrai que ça semblait logique.

De Paris à Londres en passant par Bruxelles

Après mes études d’infographie et multimédia à l’ESTEI de Bordeaux, j’ai entamé ma carrière par deux ans d’éclairage virtuel pour des séries TV, puis un premier long métrage d’animation. Là, le niveau général devient plus élevé — et les budgets aussi! Les artistes sont très forts, mais ils ne comprennent pas tout ce qui est technique. Moi, je comprends la technique, mais pas nécessairement pourquoi ils choisissent ce bleu là plutôt qu’un autre. 

J’ai eu la chance d’avoir plusieurs “super mentors”, dont Hugues De Keyzer, chez nWave Digital, en Belgique (2008-2009), qui m’a appris pleins de choses. C’est lui qui m’a dit: « Il faut que tu apprennes Python ». J’ai commencé à écrire mes premiers scripts et compris que je voulais vraiment me diriger vers le code.

En 2010, je suis parti à Londres pour travailler chez MPC — sur les deux derniers films de la saga Harry Potter, entre autres. J’ai créé des interfaces en Python, pour que les gens travaillant sur le film aient accès à certains outils plus facilement. Et là, j’ai eu un autre super mentor, Kriss Gossart, qui avait 15 ans d’expérience et qui m’a pris sous son aile en me disant: « Avant, tu faisais du scripting, maintenant on va te faire faire du développement. Il va falloir que tu réfléchisses. » Effectivement, développer, ce n’est pas juste écrire du code. C’est réfléchir.


L’aventure CG Studio Map et l'open source

À l'époque où j'étais à Londres, j’ai eu l’idée de faire un annuaire des studios d'infographie — d’abord pour la région de Los Angeles où a lieu le SigGraph, un gros événement en infographie auquel j’allais participer. Je voulais en profiter pour aller visiter les studios qui sont autour, comme Pixar, Blizzard, Dreamworks ou Disney. Le mieux était de faire une carte afin de visualiser mon trajet.

J’ai donc créé cette carte sur Google Maps. J’y ai aussi placé d’autres studios que je connaissais à Londres, Vancouver, etc. — une cinquantaine, en tout — et je l’ai partagée en ligne, au cas où elle intéresserait d’autres personnes. Dans la nuit, une centaine de studios m’ont envoyé des messages en me disant: « Il faut que tu nous mettes dessus, parce que si les gens voient ta carte, ils vont venir nous voir »...

Pendant six mois, j’ai ajouté des studios à la main, puis j’ai lancé CG Studio Map, qui a duré sept ans. Ce projet open source a été acclamé par tout le monde mais on n’a jamais trouvé son modèle d’affaires. La version 3 est actuellement en attente mais j'ai lâché le truc car, avec Numigi, je n'ai plus le temps de m’en occuper.

Du VFX à l’entreprise

Cette aventure m'a permis de découvrir qu'il y avait autre chose que l'infographie, dans ma vie. Je voulais essayer une autre industrie, alors j’ai déménagé à Montréal et je suis entré comme senior développeur au département Odoo de Savoir-faire Linux, où mon nouveau travail fut assez similaire.

En effet, en infographie, on amène des données du point A au point B. Un département créé la structure d'un personnage, par exemple, applique des textures et des couleurs dessus, puis il l’envoie à un autre département — en précisant bien sûr le nom du film, le numéro de la scène, le nom de la personne qui l'a fait, le numéro de la version finale, etc.  Au fur et à mesure que le personnage se construit, on ajoute des données à ce que l’on appelle le “pipeline”.

En informatique de gestion et chez Numigi, en particulier, ce que l'on fait est très proche. Tu veux faire une vente? OK! Il faut d’abord que tu vérifies si tu disposes de l’inventaire requis. Si l’article n’est pas en stock, tu dois le commander. Pour le commander, tu dois contacter un fournisseur, etc. Ce sont des opérations, des étapes et des données qui s’ajoutent à des processus. Donc, quand je suis arrivé chez Savoir-faire Linux, j'ai analysé ça et me suis dit: « OK, c’est bon, ça je sais faire. »

De l’entreprise à Numigi

Longtemps, durant ma carrière, je me suis reposé sur mes supérieurs. À Numigi, j’ai pris mon envol. J’ai des collègues et des associés, mais plus de supérieur. Si le travail n’avance pas, maintenant, c’est de ma faute. Ce n’est pas un problème, ceci dit, car j’ai toujours adoré deux domaines:

  • La technologie. J’ai appris à écrire sur un clavier d’ordinateur. D’après ma mère, je n’étais pas content à l’école parce qu’on écrivait avec un crayon et qu’il n’y avait pas de retour en arrière. 😄

  • Les ressources humaines. Je vois cela comme une culture. Ça m’intéresse et, bien que je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’expérimenter en ce sens auparavant, j’ai déjà pensé à devenir recruteur… sauf que le salaire était moins intéressant. 😞

À Numigi, je suis VP Tech. C’est vraiment mon domaine et je m’entends très bien avec David Dufresne. Nous avons une super cohésion. Ici, j’ai la possibilité d’aller au-delà des limites d’une simple entreprise et de développer une culture qui fasse en sorte que les gens se sentent bien. C’est important pour nous-mêmes, mais aussi parce que les bons employés, il faut d’abord les trouver, les convaincre de nous rejoindre, puis faire en sorte qu’ils aient envie de rester.